[24 novembre 1596 - vers la fin de la nuit] 

C'était l'heure sombre juste avant l'aube. La neige tombait sans bruit sur le Caisléan Inse, déjà enfoui sous une couche épaisse. La lune blanche terminait de descendre lentement dans l'horizon de l'ouest. Erdoğan était tapi au sommet des remparts, caressant de la main le chaton niché au creux de son bras en fredonnant distraitement un air à l'animal nerveux. En reprenant conscience à la fin de la journée, il avait ressentit la proximité lointaine d'une ancienne connaissance. Comme la distance n'avait cesser de s’amoindrir au courant de la nuit, il en avait conclu qu'elle s'ingéniait sans doute à les retrouver après ces longues années d'absence. Alors, agissant tel un phare dans l'obscurité, il avait laissé son esprit servir de balise mentale à Eurydice. 

- Les départs ne comptent pas, seuls les retours méritent une larme !

Déclara Erdoğan pour lui même bien que la jeune esclave de son maître venait de le rejoindre sur les remparts. Il se retient de faire un geste dans sa direction. Bien qu'il lui tournait le dos, il pouvait humer le sang s’écoulant au niveau de son ravissant visage. Son Seigneur avait dût encore lui infliger une correction pour une quelconque maladresse. Ou bien simplement pour son bon plaisir ! Connaissant Vindapârna, la seconde proposition était certainement la bonne.

Deux ombres surgirent soudainement de l'obscurité. 

Saith put percevoir un léger sourire naître sur le visage Erdoğan, lui d’ordinaire aussi expressif qu'une statue de marbre. 

- Je suis heureux de te revoir ma vieille amie.

Une magnifique jeune femme dont les traits trahissaient ses origines slaves s'avança en direction d'Erdoğan. Le sourire de la dame révélait des crocs de nacres, une lueur de plaisir luisait dans son regard gris-clair. Grâce à lui, elle avait pût rejoindre le château avant l'aube. Dire qu'elle s'apprêtait à rejoindre l'Ecosse en compagnie de son novice lorsqu'elle avait perçu son empreinte mentale scintiller dans son esprit. Cela lui épargnait de longues semaines de recherches dans les Highlands. 

- J'ai beaucoup pensée à toi ces dernières années. 

Répondit Eurydice en lui offrant une accolade chaleureuse puis, elle déposa ses lèvres contre les siennes. Il n'y avait pas de désir charnel dans ce geste, simplement de la politesse. Une façon ancienne de ce saluer entre eux. Le silence reprit ses droits à nouveau alors qu'ils communiquaient télépathiquement en aparté, excluant ainsi les deux autres personnes présentes. Ce fut elle qui rompit le lien la première après une dizaines de minutes, reprenant la parole pour présenté son compagnon. 

-  Erdoğan, permet moi de te présenté Vailintin !

Le novice pouvait sentir se déposer sur lui le regard inquisiteur du vampire, qui le jugeait sans chercher à le dissimuler.

Erdoğan scrutait le fameux Vailintin, une étrange lueur dans le regard. En silence, il tourna autour de l'autre vampire afin de l'observer sous toutes les coutures. Il n'était ni trop fin, ni trop musclé. Le physique qu'affectionnait particulièrement le maître. Le petit air ténébreux lui conférait un certain charme. 

- Enchanté de faire ta connaissance Vailintin. Tu es son novice n'est ce pas ?

Il fit glisser son regard sur Eurydice, qui était emplie d'affliction. Il secouait la tête doucement en lui transmettant télépathiquement : Je suis désolé mais, tu sais que je n'ai pas le choix. Avant d'interpeller l'esclave de Vindapârna, celle là même qui servait fidèlement son tortionnaire.

- Saith va prévenir le maître de l'arriver de nos visiteurs. Je pense qu'il sera ravis du retour de sa chère Eurydice.

De cette façon, il pourrait discourir en privé sans subir la colère du maître. Le temps de faire le chemin jusqu'à lui sans la présence de son espionne en herbe.

Valintin ne connaissais pas ce personnage, enfin pas vraiment. Certes Dame Eurydice  semblait particulièrement l’apprécier mais il n’inspirait guère confiance. Il scrutait, dévisageait, telle une bête sauvage tournant autour de sa proie avant de s’abattre sur elle.
 
- Bonsoir à vous, Erdogan. Comme vous venez de le formuler je suis bel et bien le novice de Dame Eurydice. Je me prénomme effectivement Vailintin.
 
A son tour Vailintin inspecta ce nouveau vampire. Il le trouvait bien jeune, et beaucoup trop impétueux à son égard. Mais ce vampire semblait être une vieille connaissance de Dame Eurydice, Vailintin garda donc ses idées pour lui.
 
Cet individu ne me plaît pas dès le premier abord, est ce dût à ce long voyage ou est ce mon instinct…
 
Les échanges de regards entre Vailintin et Erdogan arrivaient à leur fin. Mais Vailintin connaissait les manières de ses confrères vampires et, le fait que cette humaine ait été rapidement mise à l’écart, n’inspirait qu’à un climat de méfiance.
 
- Veuillez me pardonner, le voyage à été long et ce pays m’est inconnu, je me retrouve quelque peu désorienté.
 
Vailintin essaya tant bien que mal d’abréger cette discussion avec ce jeune vampire aussi rapidement que possible.

Le silence reprit ses droits durant quelques interminables minutes durant lesquels, Erdoğan darda son regard sur Vailintin. Le sourire qu'il arborait laissait entre apercevoir ses crocs acérés avant qu'il ne laisse échapper un rire franc. 

- J'aurais tendance à toujours te conseiller de suivre ton instinct. Mais en ces lieux la méfiance est toujours de mise, tu comprendras rapidement le pourquoi du comment. Un conseil, fais très attention à ce que tu penses mon ami, car le lien qui t'unit à Eurydice et qui vous empêches de percevoir vos pensées respectifs n'a nul lieu d'être entre nous. 

Bien qu'il savait que toutes les vampires n'étaient pas "bons", Vailintin fût fort intriguer par ces paroles. Il décida cependant de rester fidèle à ses habitudes:
 
- Je m'en remets donc à vous pour me préparer psychologiquement et physiquement pour qu'aucun de nous s'attirent des soucis. Personne ne connait mieux que vous les manières de votre seigneur. Je souhaiterai en apprendre davantage sur la tenue à avoir en face de votre seigneur.
 
Vailintin se tourna vers sa maîtresse:
 
- Notre voyage a été des plus long, Dame Eurydice. Je souhaiterai, si vous me le permettez, entendre les histoires que vous connaissez au sujet du seigneur de ce domaine.
 
Vailintin avait entendu des histoires au sujet du vampire résidant en ce lieu. Mais toutes n'avaient que valeur de contes pour enfant ou légendes, il n'avait donc aucunes idées de ce qui l'attendrai lors de l'audience du lendemain. Il allait devoir apprendre, et le faire vite. Le temps était compté et cette nuit allait attirer toute son attention.

Vailintin fût soulever et projecter avec une facilité des plus déconcertantes. Certes il n'était pas un vieux vampire, mais il n'en restait pas un jeunot pour autant. Venant de se faire arracher à sa maitresse lors de ses visions, il ne put réagir et se fracassa avec force contre les remparts.
La vision était rompu, mais cette rupture si soudaine le laissait perdu. Il voyait défiler les atrocités commises par le seigneur de cette cour. Il vit la souffrance qui régnait. Toutes créatures, peu importe l'age ou le sexe, pouvait être victime du seigneur. Elles pouvaient être dépecelées vivantes, abusées, violées, brisées, aucune créature ne pouvait faire face au seigneur. Celles qui ne se joignaient pas parmi ses esclaves devaient en payer le prix de leur vie.

Alors qu'il retrouvait un tant soit peu ses esprits, la vue de Vailintin revint peu à peu. Bien qu'encore troublé, il pouvait ressentir la puissance émanant de son assaillant. Il tenta de se relever, mais rien n'y fait, il fut comme paralisé, impossible de retrouver son équilibre.
 
Quelques mots lui échappèrent:
- Mais...que...pourquoi ?
 
Vailintin tentait désespérément de réunir ses forces afin de se lever pour rejoindre sa maîtresse, dont il n'avait jamais ressenti la peur mais qu'il pouvait nettement ressentir là, de suite.

Cette peur que percevait Vailintin provenait en réalité de chaque duine vivant entre les murailles de la demeure de Vindapârna. Tous avaient subit l'onde de choc engendrée par le maître et si le vampire prenait le temps d'observer les alentours, ils verraient bon nombres d'esclaves se relever - certains avec difficulté - du sol pavé de la cour.